En vue de tirer profit de ce mois et de rester en bonne santé, Mohamed Adahchour, spécialiste en nutrition clinique et thérapeutique, explique, dans un entretien accordé à la MAP, comment gérer le changement des habitudes de consommation, respecter l’équilibre entre les repas et alléger la digestion, et donne des mesures hygiéno-diététiques afin de passer le Ramadan sans difficultés.
1. Les habitudes de consommation changent souvent au cours du mois de Ramadan. Quels sont vos conseils pour éviter la surconsommation et garder la forme ?
En plus d’être un mois de jeûne et de piété, le Ramadan est un mois de surconsommation par excellence. Beaucoup de gens prennent du poids pendant ce mois à cause de la surconsommation alimentaire qui est le principal souci, en plus du manque d’activités physiques et des troubles de sommeil qui constituent les principaux facteurs à risque de développer des problèmes de santé pendant le Ramadan. C’est pour cela qu’il faut prendre quelques mesures hygiéno-diététiques pour rendre ce mois sacré le plus healthy possible et bénéficier de tous les bienfaits du jeûne sur la santé en général.
Concernant le repas du Shour, je conseille les gens de ne pas le zapper, surtout s’ils respectent quelques règles basiques comme la consommation de sucres lents (pain et céréales complets), d’une source de protéines (fromage, lait), d’un fruit ou d’un fruit sec. Par contre, je déconseille vivement la consommation du café et du thé, des fritures, des sucres simples (msemen, baghrir…) et des aliments gras.
Pour ce qui est du repas du Ftour, il faut qu’il soit vraiment équilibré, qu’il apporte des aliments ayant une valeur nutritionnelle élevée et une valeur énergétique légèrement faible, des fibres, des protéines, des vitamines et des minéraux. Il convient de prendre ce repas dans une ambiance calme et d’une manière lente. Il ne faut pas oublier de s’hydrater, on oublie souvent de boire de l’eau alors qu’au mois de Ramadan, le risque de déshydratation est beaucoup plus important par rapport aux autres mois de l’année, surtout s’il fait chaud.
Autre chose, il ne faut pas oublier de pratiquer une activité physique modérée pour brûler l’excès calorique et garder la forme, et enfin respecter son rythme de sommeil sans perturber trop le rythme habituel pour ne pas impacter notre état de santé général et surtout notre état de santé psychique et morale.
2. Afin de bien passer une journée de jeûne, le corps a besoin de repas à la fois nutritifs et équilibrés. Selon vous, qu’est-ce qu’un Iftar idéal pour assainir l’alimentation pendant ce mois ?
Après une longue journée de jeûne, arrive le moment du Ftour. L’appétit est souvent au top, ce qui nous pousse parfois à consommer inconsciemment de grandes quantités de nourriture. La règle générale est que le repas du Ftour doit rétablir l’équilibre alimentaire de la journée sur le plan qualitatif et non sur le plan quantitatif. Le corps humain a quotidiennement des besoins, d’une certaine dose de protéines, de graisse, de sucre, de vitamines et de minéraux, selon l’âge, le sexe, l’état de santé de chacun et d’autres paramètres. Le Ftour doit apporter une grande partie de ces besoins sans provoquer de troubles digestifs; la première chose à prendre est évidemment de l’eau et des dattes qui constituent une source d’énergie rapide, et puis attendre quelques minutes pour laisser un peu de temps à notre système digestif pour se préparer physiologiquement à recevoir de la nourriture après une longue période de privation. A noter qu’à ce moment-là, notre corps est tellement affamé qu’il absorbe rapidement tout ce qu’on lui apporte, d’où l’importance de lui fournir des vitamines, des minéraux et des fibres que l’on trouve dans les fruits, les légumes et les fruits secs. Une salade composée de ces aliments est donc une excellente entrée pour le Ftour, sans oublier que la harira (soupe marocaine) est également un excellent repas mais à consommer avec modération. Par la suite, il est conseillé d’attendre 30-35 minutes avant d’ajouter une source de protéines (poulet, viande, poisson), de préférence sans graisse. Bien évidemment, tout le monde raffole des plaisirs salés (mini pizzas, quiches…) que je ne peux pas interdire. On en a besoin mais sans exagération. De même, il faut éviter les fritures et tout ce qui est Msemen, Harcha, Baghrir, Chebakia, qu’on peut consommer une fois par semaine, par pur plaisir seulement et jamais au début du repas.
Ces étapes qui paraissent très simples sont suffisantes pour bien rompre le jeûne sans provoquer de troubles digestifs et d’autres soucis de santé et sans risque de prise de poids.
3. Comment gérer l’intervalle de temps entre le Shour, l’Iftar et le dîner et ne pas alourdir la digestion, notamment avec la perturbation du rythme de sommeil ?
La gestion de cet intervalle est un élément très important dans la gestion de l’alimentation et des risques liés aux troubles digestifs pendant le mois de Ramadan. Le dîner est le suspect numéro 1 dans la prise de poids durant ce mois. Respecter un intervalle de 5 à 6 heures entre le Ftour et le dîner est très difficile, c’est pour cela qu’il faut prendre quelques mesures. Si on suit les recommandations énumérées pour le repas du Ftour, le dîner est vraiment inutile et peut provoquer un inconfort digestif et d’autres troubles tels que le reflux gastro-œsophagien. Si on fait partie des personnes qui prennent un Ftour très léger, le dîner devient obligatoire pour compléter les besoins du corps en nutriments et en apports caloriques, mais mon principal conseil pour le repas du soir est d’éviter les repas copieux, trop gras, frits ou qui contiennent des sucres simples, en respectant au maximum un équilibre alimentaire des légumes cuits, source de protéines blanches : poissons et poulet notamment, et aussi des céréales complètes (tout ce qui apporte des fibres : pain, céréales complètes : avoine, pâtes complètes, riz complet etc) et de boire beaucoup d’eau. En l’occurrence, laisser un intervalle d’une heure à deux heures entre le dernier repas, qui est le dîner, et l’heure d’aller au lit, pour éviter d’avoir le problème du reflux gastro-œsophagien qui va perturber notre sommeil et aura un impact négatif sur notre état de santé morale et de fatigue le lendemain.